Mesure de la Vitesse de la Lumière au laser sur 2m (sur table !)

Cette expérience tient sur la table ! Nous avions déjà réalisé une expérience similaire en 2012, mais sur une longueur de 15m (30m aller-retour). Les caractéristiques des composants ayant évolué depuis (en restant dans la même gamme de prix), nous allons faire cette mesure du 'temps de vol' d'un rayon laser sur une distance bien plus courte égale à 2m (4m aller-retour), ce qui tient sur une table de labo. Qui dit distance plus courte dit temps de vol plus petit à mesurer. Là où en 2012 nous avions affaire à une centaine de nanosecondes à mesurer avec une précision de quelques ns, nous allons cette fois le réaliser pour une dizaine de nanosecondes et une précision d'une fraction de ns.
Cliquez sur une image ci-dessous pour visualiser l'album. Certaines sont commentées

1 L'oscilloscope utilisé :

J'ai utilisé un oscilloscope numérique Hantek de type DSO5102 doté d'une bande passante de 100MHz. L’échantillonnage se fait à 1GSa/s (giga sample / seconde) ce qui permet une résolution horizontale de 1 ns.

Je me souviens de l'époque où mon prof d'électronique nous rappelait sans cesse qu'un oscillo n'est pas un appareil de mesure, que c'est juste un visualiseur de forme du signal... Les choses ont bien changé depuis. Cet appareil fourmille de possibilités de mesure des temps, des amplitudes, des fréquences... Et permet la sauvegarde de l'affichage sur clé USB. C'est exactement ce qu'il nous faut. (pas forcément CELUI-ci de CETTE marque-ci... Je ne suis pas non plus en train de vous vendre un oscillo !)

Quelques remarques concernant les oscilloscopes numériques :

Un des gros avantages des oscillos numériques comparés aux analogiques c'est de pouvoir visualiser le signal qui précède l'instant de déclenchement de la synchro horizontale. Les analogiques haut de gammes permettaient de le faire grâce à une "ligne à retard" (matérielle, physique) qui mémorisait le signal. Sur les numériques le signal est par principe continuellement numérisé dans une mémoire RAM (pour le modèle décrit ici -> Record Length = 40K samples per single-channel) dans laquelle on peut choisir d'afficher les valeurs qui précèdent l'instant de déclenchement. Comme autres avantages on peut citer :
  • La stabilité de l'affichage, et la possibilité de le figer avec un mode coup par coup.
  • La netteté de l'affichage et sa luminosité même en très haute fréquence ou sur des signaux à rapport cyclique infime (ou énorme), genre 1 bip de 5ns toutes les 10 secondes...
  • La sauvegarde des images et données sur clé USB.
  • Les nombreuses fonctions de mesure.
  • Le faible poids et les petites dimensions.
  • La faible consommation électrique.
Toutefois je citerais comme inconvénient l'affichage en mode lissajoux (X-Y) qui est incomparablement meilleur sur un analogique.

2 Le laser

Le laser utilisé est un petit module comprenant une diode laser 650nm (rouge), un boîtier en laiton muni d'une lentille de focalisation réglable (par vissage) et une résistance en série de 91 ohm. La puissance d'émission lumineuse (en continu) est annoncée par le vendeur égale à 5mW ce qui place ce module dans la classe 3R, donc à la limite de la dangerosité pour l’œil (en vue directe). Donc DANGER !! Lunettes de protection obligatoires lors des réglages (puisque cette expérience comporte un miroir... Rien de tel pour se recevoir le faisceau réfléchit dans l'oeil).

3 Le schéma de la partie émission

Il s'agit d'obtenir des impulsions laser répétitives, puissantes, d'une durée la plus brève possible. Les deux premiers inverseurs à hystérésis (U1A et U1B) d'un 74F14 constituent un multivibrateur astable produisant en permanence un signal carré de fréquence égale à 200kHz (période = 5us). Le boîtier TTL F (Fast TTL -> qui peut fonctionner jusqu'à 125MHz, ce qui est nécessaire pour obtenir des signaux à FRONTS RAIDES) est alimenté sous 5V (issus du régulateur 7805) par l'intermédiaire d'une "self de choc" VK200, afin que les signaux parasites générés ne viennent polluer gravement l'alimentation (qui servira également pour le récepteur, mais par utilisation d'un régulateur 5V distinct 78L05 connecté en amont sur le 12V). Un condensateur de 10nF de découplage doit être placé eu plus près du 74F14. Le signal carré obtenu est appliqué à un étage différenciateur RC (270pF - 100 ohm) associé à un troisième inverseur 74F14 afin de générer des impulsions positives (5V) très brèves. On attaque alors le transistor de sortie BC549 qui travaille en classe C.
Le rapport cyclique de ce train d’impulsions (20ns / 5us) est de 4E-3 donc très petit. Voyons tout cela sur l'oscilloscope.

4 Signal émis & signal reçu

Trace bleue = signal au point test TP1 (sortie de l'oscillateur) : signal carré d'une fréquence de 195kHz à fronts raides.

Trace jaune = signal reçu (bornes de la 220 ohm en série avec la photodiode).

5 Zoom sur le signal reçu

Trace jaune -> sur le collecteur du BFR93 (voir schéma partie réception plus bas).

Nous obtenons un Fall Time de seulement 3.6ns ce qui va permettre de faire des mesures précises.

6 Schéma de la partie réception

Le capteur du faisceau laser est une diode à avalanche AD500-8 alimentée sous une tension de 120V par un condensateur de 10nF préalablement chargé par R1 (100k). L'impulsion de courant produite dans R2 lors de l'impulsion laser est très brève, quelques nanosecondes. Ce qui compte c'est le front de montée de cette impulsion afin de mesurer le temps de vol de l'impulsion lumineuse. Le transistor UHF Q1 (BFR93A) augmente l’amplitude et la raideur de ce front. Afin de diminuer son temps de réaction la résistance R3 (10k) polarise sa base à un potentiel proche du seuil de conduction. Comme vous le voyez, ici je n'ai placé que le minimum d'électronique en aval du capteur afin de rendre l'expérience la plus claire possible.

Quant à l'alimentation 120V, je l'ai décrite en détail ICI .

7 La manip

Nous allons maintenant analyser le signal de réception présent sur le collecteur du transistor BFR93A (point test PT2 du récepteur -> trace jaune sur les 2 images ci-dessus).

Nous allons nous servir de la trace en bleu (signal au point TP2 de l'émetteur) comme référence temporelle, et synchroniser l'oscillo dessus.
Remarquez la vitesse de balayage horizontale de l'oscillo qui n'est plus de 800 ns/div mais de 4 ns/div. Le signal d'émission est cette fois celui présent sur le pin6 du 74F14 (impulsion d'attaque du BC549)

Procédons maintenant en deux étapes :

- PREMIÈRE étape (image de gauche) : placer la photodiode contre la sortie du laser et positionner le curseur temporel 'S' (start) au point où le signal reçu franchit un seuil = 50% de l'amplitude. (déjà décalé d'environ 16ns par rapport au signal de référence en TP2 du fait des temps de propagation du signal dans le transistor Q1, et de l'entrée en mode laser de la diode émettrice).

- SECONDE étape (image de droite) : placer la photodiode sur le trajet retour du rayon laser après réflexion sur un miroir (situé à 2m08 dans mon cas) et positionner le curseur temporel 'E' (end) au temps où le signal (décalé temporellement cette fois par le trajet aller-retour) franchit ce même seuil de tension (50% de l'amplitude).

Nous pouvons alors connaître le temps de vol 'dt' qui s'inscrit directement sur l'écran de l'oscillo (sur l'image de droite, sur laquelle la balise 'E' est positionnée correctement, ce qui n'est pas encore le cas sur l'image de gauche) -> dt =13.60ns

8 CALCUL du résultat

Le calcul (ci-contre) nous donne :
v=3.06 x 10⁸ m/s ce qui est vraiment...pas mal !!
(J'écris "v" et pas "c" parce qu'il n'y a pas d'autre valeur pour "c" [dans le vide] que la valeur exacte!)

Remarque 1 : Dans un milieu transparent, la célérité de la lumière est (très) inférieure à "c". Mais je ne vous apprends rien. C'est le cas lors de la traversée de la lentille convergente, mais vu sa faible épaisseur, nous n'en tiendrons pas compte ici.

Remarque 2 : Si on fait le calcul pour un temps de vol de 13.9 ns au lieu de 13.6 ns, on obtient
v=2.99 x 10⁸ m/s
On voit donc que cela se joue à une petite fraction de ns près, ce qui hélas est au delà des possibilités de l'oscilloscope utilisé. N'oublions pas que la fréquence d’échantillonnage de l'oscillo est de 1GS/s, ce qui correspond à une résolution de 1 ns justement.

Conclusions :

- Ces valeurs encadrent bien la valeur exacte de 'c' qui est faut-il le rappeler :
c= 299792458 m/s. D'ailleurs cette valeur est d'autant plus exacte que 'c' est devenue une constante physique universelle, voir le lien plus bas vers l'article de Wikipédia.
- On voit que nous jouons à la limite des performances des composants utilisés d'une part, et de celles de l'oscilloscope utilisé d'autre part.

Le plus délicat pour réussir cette expérience c'est le positionnement et l'orientation précise du laser, de la photodiode (derrière une lentille convergente) et du miroir. Cela vient du fait que la taille du capteur dans le composant AD500-8 est microscopique ! (0.2 mm² active area, 500 μm diameter active area) Le rayon doit être focalisé sur la puce avec une précision diabolique faute de quoi aucun signal n'est détecté. C'est tout le contraire des caractéristiques de la BPW34 que nous avions utilisée en 2012 (BPW34 -> Large radiant sensitive area 7.5 mm² )

9 Evolution

31 janv 2020 : J'ai modifié cet article suite au remplacement d'un 74F04 par un 74F14 (inverseurs à hystérésis) pour l'émetteur.

Pour la petite histoire : J'ai fait quelques essais en utilisant un thyristor rapide (S6A15) associé à une diode laser "pulsée" IR de type SPL PL90 et à une source HT, mais cela ne m'a pas permis d'obtenir de meilleures performances que la version décrite ici. Mais ne perdons pas de vue que la bande passante limitée à 100MHz de l'oscillo ne permet pas de visualiser des temps de montée inférieurs à 2.2 ns (un temps de montée -> 0 ns sera affiché avec tr de 2.2ns , par application de la formule : time_rise = ln(2)/(pi.BW) = 0.22/BW . Voir lien plus bas.

Toutefois des instants séparés par 1ns peuvent être distingués.

Mais ce qui m'a déçu c'est le fait de ne pas obtenir une réception de plus grande amplitude (ce qui est possible par exemple avec un Rangefinder (télémètre) de golf. J'en possède un, bien que je ne pratique pas cette activité, acquis justement afin de disposer d'une base de comparaison pour ces expériences de ToF (Time of Flight).

11 fev 2020 : J'ai amélioré la partie matérielle :
  • profilé alu de longueur 2m
  • miroir (de vélo !)
  • plaque support du laser, de la lentille convergente (objectif de jumelles), de la photodiode.
Tous ces éléments sont réglables en direction (hauteur et azimut).


14 fev 2020 : J'ai reçu les 74F14, j'ai modifié le schéma en conséquence. J'ai également mis à jour les données de l'expérience compte tenu de la nouvelle configuration matérielle (rail alu de 2m solidaire de la platine laser).

18 fev 2020 : Maintenant que les résultats obtenus sont satisfaisant compte tenu du matériel utilisé, je vais réaliser un circuit imprimé qui regroupera les composants (sauf laser et photodiode qui resteront placés sur leur supports respectifs).
Je vous tiens au courant, je publierai le dessin du circuit imprimé ici, avec des photos.

Rangefinder (~50€)

10 Dessin du circuit imprimé

Voici tout d'abord une vue de l'ensemble des composants E + R qui figureront sur le circuit imprimé (excepté les modules laser et photodiode).

11 Le circuit imprimé prend forme :

27 fev 2029 : En voici un aperçu généré par notre ami Kicad. J'ai passé pas mal de temps à dessiner le modèle 3D de la VK200 ! (car je ne l'ai trouvé nulle part). Je vous le donnerai. (En fait j'ai passé la journée à apprendre à me servir du logiciel FreeCAD, je connaissait Blender, c'est très différent).

12 Face côté cuivre

Le petit transistor BFR93A, qui est en boîtier cms, sera placé côté cuivre de la carte.

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